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THEOLOGIE PRATIQUE : LA DIACONIE

 

I.2.1 La Diaconie dans les écrits du Nouveau Testament

      

L’Apôtre Paul dans ses épîtres, qui s’échelonnent de l’an 50 à l’an 65 environ, a fait un travail théologique remarquable qui pose les bases d’une métamorphose et d’un anoblissement du concept de la diaconie dans le cadre de l’Eglise et de la foi chrétienne.

       Bien après les épîtres pauliniennes, Marc[1], Matthieu, Luc et Jean concordaient à dire que Jésus s’est rendu solidaire des catégories sociales que marginalisait la société juive de son temps[2]. Une société qu’ils présentaient comme dure, négative et hostile. N’oublions pas que les Evangiles ont été rédigés, dans une situation de conflit entre Eglise et Synagogue, vers les années 70 ou 90[3].

Rappelons que Marc, Matthieu et Luc constituent un ensemble appelé synoptiques. Contrairement à Jean, ils présentent de grandes ressemblances et ils adoptent un point de vue similaire des faits entourant la personne de Jésus avec des buts distincts et des particularités propres en fonction des sources exploités.

D’une façon ou d’une autre, les écrits du Nouveau Testament répondent à des situations contextuelles bien précises dans le cadre de l’organisation de la communauté des chrétiens. La parousie se faisant attendre, il fallait répondre aux différentes questions et aux inquiétudes des fidèles dans leurs relations interpersonnelles sans oublier celles avec les autorités ecclésiales et civiles.

      

 

I.2.1.1 La diaconie dans les Epîtres pauliniennes

 

Les premières communautés, au temps de Paul, se rassemblaient autour de la Cène et de la Parole. Elles n’oubliaient pas dans le cadre du repas communautaire les malades, les orphelins, les veuves et les pauvres. Elles se développaient et elles se donnaient les services dont elles avaient besoin pour continuer la mission et pour vivre.

Le vocabulaire de la diaconie qui appartient à la culture hellène est le plus souvent utilisé par Paul. Dans ses lettres[4], la diaconie est présente, sous la forme de « Diakonέw », de « Diakonίa » et de « DiάkonoV »[5]. Parmi tous les auteurs du Nouveau Testament, l’Apôtre Paul est celui qui utilise le plus souvent les trois termes consacrés au « service »[6]. De plus, on y trouve les termes « Λειτουργία » [7] et « δοΰλος »[8]. Et, il ne manque pas d’établir une analogie entre « DiάkonoV » et « Λειτουργία ».

 

       La théologie diaconale de Paul s’ancre dans un souci de répondre à des situations conflictuelles. Elle se préoccupe du renversement de l’ordre des « valeurs » contraire à l’éthique évangélique et d’une approche du Serviteur de Dieu. En effet, Paul partageait le vécu spirituel des chrétiens de ses communautés[9]. Il s’intéressait à la condition de la communauté chrétienne, à l’édification du croyant et à la légitimation de son autorité apostolique souvent contestée (1Co 9). 

      

Paul a ce souci de présenter la condition chrétienne dans un rapport christologique du service et de la mission apostolique. Abaissement, élévation et amour constituent le cadre de sa christologie. Il pose tout en Christ, par lui et avec lui dans une logique de l’amour, de la grâce et de la foi. C’est dans la personne du crucifié que des anonymes, des gens sans qualité ont été appelés. Par la révélation de la croix il naît un acte créateur, une inversion des valeurs, un renversement des rôles pour l’équité et la justice. Ces gens sans qualité sont par la croix devenus des sujets reconnus et aimés de Dieu, des frères et des sœurs de l’humanité toute entière[10].  L’amour chez Paul conduit à un rééquilibrage entre les différences de rang et de statut. Par la foi, il rend, en Christ, le salut, la liberté et le service de l’Evangile à l’esclave sauvé. Donc le propriétaire d’un esclave doit désormais accueillir ce dernier comme un frère. Il s’agit d’une « fraternité spirituelle » qui a des conséquences dans le comportement quotidien : un frère aussi bien selon la chair que selon le Seigneur (Philémon 13-16).  Paul vise ainsi l’égalité : le supérieur se met au niveau de l’inférieur, l’esclave est élevé au rang de « frère »[11].

 

Dans les épîtres de Paul et dans le cadre judéo-chrétien, la diaconie est une réponse à la question de la justification par la foi. Elle est une réconciliation qui oppose à la justification par les œuvres de la loi, le salut par la foi. Elle est un ministère[12], le ministère de la circoncision (Rm 15, 16) accompli par Paul. La vocation de l’apôtre est le résultat d’une révélation. Son service vise immédiatement le salut des païens par leur conversion et leur réintégration dans le peuple de Dieu. A le croire, Jésus s’est fait ministre des circoncis pour accomplir les promesses de Dieu envers les incirconcis (Rm 15,8). Dans ce contexte,  le Christ est présenté comme « diacre des circoncis à l’honneur de la véracité divine ». Les païens ne sont donc pas exclus de la nouvelle alliance, ni de la communauté des judéo-chrétiennes. Ils ont part au salut au même titre que les Juifs. Absolument, Christ est le « δίακονος » de Dieu par excellence à cause de son œuvre de réconciliation pour toute l’humanité  (Ga 2, 17). Face à l’apparition des communautés purement pagano-chrétiennes. Paul pose, suite à une exigence des judéo-chrétiens du rétablissement de l’observance des prescriptions rituelles et différentialistes juives[13], le problème de la réconciliation et de la liberté chrétienne. Il élabore une réflexion fondamentale sur les rapports entre ces communautés avec la loi juive. Représentant de Dieu, il affirme que le service du Christ vise en priorité la circoncision du cœur. Puisque Jésus a accueilli tous les hommes, le chrétien, par tolérance ou le serviteur par une acceptation mutuelle, prend son modèle dans le Christ. Il ne cherche plus sa justice par les œuvres de la Loi, mais il la reçoit par la foi[14]. Il n’est pas serviteur du péché, ni de la loi mais de la justice par la foi. L’Apôtre se désigne lui-même par le titre de diacre, d’esclave du Christ (Rm 1, 1). Son apostolat est pour lui une diaconie. Sa mission de serviteur est claire : réconcilier et non diviser, participer à la révélation de la fidélité de Dieu et veiller à l’accomplissement de ses promesses et de sa parole (1Co 3, 3-9 ; 21- 23). Dans les versets 5 à 9 de 1Corinthiens 3, Paul parle des diacres comme des ministres principaux et fondateurs, des coopérateurs (συνεργοί) de Dieu qui seul donne la croissance. Sans faire acception de personne, le serviteur accueille et il réconcilie tous, quelque soit leur nation, leur origine, au nom de la loi de l’amour de Dieu, comme Christ, le ministre, par la grâce universelle, l’a fait pour la gloire de son Père.

Pour l’utilité des chrétiens qui lui sont confiés par le Christ, le serviteur est rendu ministre de l’engagement non pas de la lettre mais de celui de l’Esprit. On s’accorde, là, à dire que l’œuvre diaconale prend plus une dimension théologique et spirituelle. Une double dimension qui voit dans le diacre, le ministre chargé de transmettre la foi et le témoignage aux chrétiens sauvés et à tous les hommes. Par ailleurs, elle considère que l’œuvre ministérielle résulte de l’action de l’Esprit pour toucher et pour transformer en priorité le cœur. A juste titre, elle affirme que tout ce que le ministre accomplit comme tâche, tout ce qu’il est capable de faire ne vient pas de sa capacité personnelle mais de Dieu dont il est l’intermédiaire : tout diacre est diacre de Dieu et il reçoit son autorité du Christ. Paul pose le statut d’égalité des partenaires aux ministères.  Son discours ne s’inscrit pas dans un rapport hiérarchique seigneur-esclave, maître-élève. 

 

Dans un contexte pascal (2Co 5, 21), l’apôtre Paul aborde une nouvelle fois dans sa lettre aux Corinthiens, le ministère de la réconciliation (2Co 5, 14-15). Ce ministère est vu sous l’angle, non pas d’un rapport entre la Loi et la foi mais d’un ministère de grâce. La Diaconie devient alors une relation entre Dieu et les hommes. La communion entre Dieu et le chrétien est fondée sur la nouvelle naissance et la connaissance du Christ. Désormais, le chrétien ne vit plus pour lui-même mais il vit pour Jésus-Christ (2Co 5, 17.19). La diaconie du Christ devient le don de sa vie pour l’autre. L’apôtre conçoit que seul le service de Christ transforme une personne et la réconcilie avec Dieu. La diaconie de la réconciliation (2Co 5, 18) devient une tâche que Dieu lui confie. Le ministre réalise le plan de réconciliation divine par la prédication en amenant d’autres hommes au Seigneur. Dieu est celui qui agit par la diaconie du Christ et de celle de ses ambassadeurs. Il ne fait acception de personne dans l’accomplissement de son propre ministère. Ainsi donc, l’appel à se réconcilier avec Lui est pressant. Et, il est une supplication envers le pécheur justifié par la mort du Christ. Le serviteur par la parole de la réconciliation accomplit le service qui lui a été confié pour la foi et le salut.

 

 

[1] Gerd Theissen, L’ombre du Galiléen, 1988, Cerf, Paris, p. 259-262 ; l’évangile de Marc est le plus ancien de tous les évangiles. Il a servi de modèle à ceux de Matthieu et de Luc. Il fut écrit après le début ou peu après la fin de la Guerre juive (66-70 ap. J.-C.), car en 13, 1 sq., il combine les prédictions sur la destruction du temple et celles sur les événements de cette guerre. Quant à l’évangile de Matthieu et l’évangile de Luc on les date, après Marc, probablement entre 80-110. Enfin, l’évangile de Jean qui date du tournant du Ier et du IIè siècle.

[2] Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, 2008, Genève-Paris, Labor et Fides-Bayard, p. 59.

[3] Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, Op. Cit., p. 151.

[4] Il s’agit des écrits considérés comme authentiques (de la main de Paul ou directement dictées par lui) les épîtres aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, aux Philippiens et à Philémon. Cf. François Vouga, Les premiers pas du christianisme, 1994, Genève, Labor et Fides, p. 15.

[5] Dans les épîtres de Paul, le verbe « Diakonέw»  apparaît 5 fois, en Romains, en 1et 2 Corinthiens, en Galates, en Philippiens et en Philémon ; « Diakonίa» apparaît 18 fois et on le retrouve en Romains 11, 13 ; 12, 7 ; 15, 31 ; 1Cor 12, 5 ; 16, 15 ; 2Cor 3, 7-9; 4, 1; 5, 18; 6, 3; 8, 4; 9, 1, 12, 13; 11, 18 ; et on a 9 fois « DiάkonoV» en  Rom13, 14;15, 8; 1Cor 3, 5; 2Cor3, 6; 6, 4; 11, 15; 11, 23; Gal 2, 17; Phil 1, 1.(NTIG/F).

[6] Fabien Blanquart, Quel serviteur ?, 2000, Paris, Cerf, p. 107.

[7] On retrouve « Λειτουργία » 7fois en Rom 13, 6 ; 15, 27; 2Cor 9, 12; Phil 2, 17, 25, 30. Le terme désigne des fonctions publiques (Rom 13, 6), l’organisation de la collecte destinée aux judéo-chrétiens (2Cor 9, 12), la fonction grâce à laquelle le Christ, agissant par son apôtre, offre les hommes à Dieu en sacrifice (Phil 2, 17)1. Et  il est utilisé pour un service de caractère très personnel, un service d’amour ou de charité.

[8]  « Δοΰλος » est utilisé pour signifier la dépendance totale de tout serviteur outil de Dieu. Il est évoqué en termes d’abaissement par Paul en référence à « l’agonie du Christ ». Cf. Fabien Blanquart, Quel serviteur ?, Op. Cit., p. 117.

[9] Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, Op. Cit., p. 167.

[10] François Vouga, Moi, Paul, 2005, Genève, Labor et Fides, p. 51-52.

[11] Gerd Theissen, La religion des premiers chrétiens, 2002, Paris, Cerf, p. 123.

[12] Felix Gaffiot, Dictionnaire illustré Latin-Français, 1934, Paris, Hachette, p. 978 : Ministère (de minus, cf. magister), qui sert, qui aide dans la pensée grecque; serviteur, domestique, ministre (d’un dieu) ; instrument, agent ; et Ministerium : fonction de serviteur, service, fonction, les différents services ou ministères ou départements établis auprès des empereurs et confiés à des affranchis. Pour Henri Goelzer dans  Nouveau dictionnaire français-latin, 4é éd., 1903, Paris, librairie Garnier Frères, p. 124, le Ministère est l’office de celui qu’on emploie pour l’exécution de quelque chose, charge, fonction, instrument.

[13] François Vouga, Op. Cit., p. 70.

[14] François Vouga, Op. Cit., p. 46.

I.2-L’ETUDE SCRIPTURAIRE DU CONCEPT DIACONIE

 

I.2.1 La Diaconie dans les écrits du Nouveau Testament

      

L’Apôtre Paul dans ses épîtres, qui s’échelonnent de l’an 50 à l’an 65 environ, a fait un travail théologique remarquable qui pose les bases d’une métamorphose et d’un anoblissement du concept de la diaconie dans le cadre de l’Eglise et de la foi chrétienne.

       Bien après les épîtres pauliniennes, Marc[1], Matthieu, Luc et Jean concordaient à dire que Jésus s’est rendu solidaire des catégories sociales que marginalisait la société juive de son temps[2]. Une société qu’ils présentaient comme dure, négative et hostile. N’oublions pas que les Evangiles ont été rédigés, dans une situation de conflit entre Eglise et Synagogue, vers les années 70 ou 90[3].

Rappelons que Marc, Matthieu et Luc constituent un ensemble appelé synoptiques. Contrairement à Jean, ils présentent de grandes ressemblances et ils adoptent un point de vue similaire des faits entourant la personne de Jésus avec des buts distincts et des particularités propres en fonction des sources exploités.

D’une façon ou d’une autre, les écrits du Nouveau Testament répondent à des situations contextuelles bien précises dans le cadre de l’organisation de la communauté des chrétiens. La parousie se faisant attendre, il fallait répondre aux différentes questions et aux inquiétudes des fidèles dans leurs relations interpersonnelles sans oublier celles avec les autorités ecclésiales et civiles.

      

 

I.2.1.1 La diaconie dans les Epîtres pauliniennes

 

Les premières communautés, au temps de Paul, se rassemblaient autour de la Cène et de la Parole. Elles n’oubliaient pas dans le cadre du repas communautaire les malades, les orphelins, les veuves et les pauvres. Elles se développaient et elles se donnaient les services dont elles avaient besoin pour continuer la mission et pour vivre.

Le vocabulaire de la diaconie qui appartient à la culture hellène est le plus souvent utilisé par Paul. Dans ses lettres[4], la diaconie est présente, sous la forme de « Diakonέw », de « Diakonίa » et de « DiάkonoV »[5]. Parmi tous les auteurs du Nouveau Testament, l’Apôtre Paul est celui qui utilise le plus souvent les trois termes consacrés au « service »[6]. De plus, on y trouve les termes « Λειτουργία » [7] et « δοΰλος »[8]. Et, il ne manque pas d’établir une analogie entre « DiάkonoV » et « Λειτουργία ».

 

       La théologie diaconale de Paul s’ancre dans un souci de répondre à des situations conflictuelles. Elle se préoccupe du renversement de l’ordre des « valeurs » contraire à l’éthique évangélique et d’une approche du Serviteur de Dieu. En effet, Paul partageait le vécu spirituel des chrétiens de ses communautés[9]. Il s’intéressait à la condition de la communauté chrétienne, à l’édification du croyant et à la légitimation de son autorité apostolique souvent contestée (1Co 9). 

      

Paul a ce souci de présenter la condition chrétienne dans un rapport christologique du service et de la mission apostolique. Abaissement, élévation et amour constituent le cadre de sa christologie. Il pose tout en Christ, par lui et avec lui dans une logique de l’amour, de la grâce et de la foi. C’est dans la personne du crucifié que des anonymes, des gens sans qualité ont été appelés. Par la révélation de la croix il naît un acte créateur, une inversion des valeurs, un renversement des rôles pour l’équité et la justice. Ces gens sans qualité sont par la croix devenus des sujets reconnus et aimés de Dieu, des frères et des sœurs de l’humanité toute entière[10].  L’amour chez Paul conduit à un rééquilibrage entre les différences de rang et de statut. Par la foi, il rend, en Christ, le salut, la liberté et le service de l’Evangile à l’esclave sauvé. Donc le propriétaire d’un esclave doit désormais accueillir ce dernier comme un frère. Il s’agit d’une « fraternité spirituelle » qui a des conséquences dans le comportement quotidien : un frère aussi bien selon la chair que selon le Seigneur (Philémon 13-16).  Paul vise ainsi l’égalité : le supérieur se met au niveau de l’inférieur, l’esclave est élevé au rang de « frère »[11].

 

Dans les épîtres de Paul et dans le cadre judéo-chrétien, la diaconie est une réponse à la question de la justification par la foi. Elle est une réconciliation qui oppose à la justification par les œuvres de la loi, le salut par la foi. Elle est un ministère[12], le ministère de la circoncision (Rm 15, 16) accompli par Paul. La vocation de l’apôtre est le résultat d’une révélation. Son service vise immédiatement le salut des païens par leur conversion et leur réintégration dans le peuple de Dieu. A le croire, Jésus s’est fait ministre des circoncis pour accomplir les promesses de Dieu envers les incirconcis (Rm 15,8). Dans ce contexte,  le Christ est présenté comme « diacre des circoncis à l’honneur de la véracité divine ». Les païens ne sont donc pas exclus de la nouvelle alliance, ni de la communauté des judéo-chrétiennes. Ils ont part au salut au même titre que les Juifs. Absolument, Christ est le « δίακονος » de Dieu par excellence à cause de son œuvre de réconciliation pour toute l’humanité  (Ga 2, 17). Face à l’apparition des communautés purement pagano-chrétiennes. Paul pose, suite à une exigence des judéo-chrétiens du rétablissement de l’observance des prescriptions rituelles et différentialistes juives[13], le problème de la réconciliation et de la liberté chrétienne. Il élabore une réflexion fondamentale sur les rapports entre ces communautés avec la loi juive. Représentant de Dieu, il affirme que le service du Christ vise en priorité la circoncision du cœur. Puisque Jésus a accueilli tous les hommes, le chrétien, par tolérance ou le serviteur par une acceptation mutuelle, prend son modèle dans le Christ. Il ne cherche plus sa justice par les œuvres de la Loi, mais il la reçoit par la foi[14]. Il n’est pas serviteur du péché, ni de la loi mais de la justice par la foi. L’Apôtre se désigne lui-même par le titre de diacre, d’esclave du Christ (Rm 1, 1). Son apostolat est pour lui une diaconie. Sa mission de serviteur est claire : réconcilier et non diviser, participer à la révélation de la fidélité de Dieu et veiller à l’accomplissement de ses promesses et de sa parole (1Co 3, 3-9 ; 21- 23). Dans les versets 5 à 9 de 1Corinthiens 3, Paul parle des diacres comme des ministres principaux et fondateurs, des coopérateurs (συνεργοί) de Dieu qui seul donne la croissance. Sans faire acception de personne, le serviteur accueille et il réconcilie tous, quelque soit leur nation, leur origine, au nom de la loi de l’amour de Dieu, comme Christ, le ministre, par la grâce universelle, l’a fait pour la gloire de son Père.

Pour l’utilité des chrétiens qui lui sont confiés par le Christ, le serviteur est rendu ministre de l’engagement non pas de la lettre mais de celui de l’Esprit. On s’accorde, là, à dire que l’œuvre diaconale prend plus une dimension théologique et spirituelle. Une double dimension qui voit dans le diacre, le ministre chargé de transmettre la foi et le témoignage aux chrétiens sauvés et à tous les hommes. Par ailleurs, elle considère que l’œuvre ministérielle résulte de l’action de l’Esprit pour toucher et pour transformer en priorité le cœur. A juste titre, elle affirme que tout ce que le ministre accomplit comme tâche, tout ce qu’il est capable de faire ne vient pas de sa capacité personnelle mais de Dieu dont il est l’intermédiaire : tout diacre est diacre de Dieu et il reçoit son autorité du Christ. Paul pose le statut d’égalité des partenaires aux ministères.  Son discours ne s’inscrit pas dans un rapport hiérarchique seigneur-esclave, maître-élève. 

 

Dans un contexte pascal (2Co 5, 21), l’apôtre Paul aborde une nouvelle fois dans sa lettre aux Corinthiens, le ministère de la réconciliation (2Co 5, 14-15). Ce ministère est vu sous l’angle, non pas d’un rapport entre la Loi et la foi mais d’un ministère de grâce. La Diaconie devient alors une relation entre Dieu et les hommes. La communion entre Dieu et le chrétien est fondée sur la nouvelle naissance et la connaissance du Christ. Désormais, le chrétien ne vit plus pour lui-même mais il vit pour Jésus-Christ (2Co 5, 17.19). La diaconie du Christ devient le don de sa vie pour l’autre. L’apôtre conçoit que seul le service de Christ transforme une personne et la réconcilie avec Dieu. La diaconie de la réconciliation (2Co 5, 18) devient une tâche que Dieu lui confie. Le ministre réalise le plan de réconciliation divine par la prédication en amenant d’autres hommes au Seigneur. Dieu est celui qui agit par la diaconie du Christ et de celle de ses ambassadeurs. Il ne fait acception de personne dans l’accomplissement de son propre ministère. Ainsi donc, l’appel à se réconcilier avec Lui est pressant. Et, il est une supplication envers le pécheur justifié par la mort du Christ. Le serviteur par la parole de la réconciliation accomplit le service qui lui a été confié pour la foi et le salut.

 

 

[1] Gerd Theissen, L’ombre du Galiléen, 1988, Cerf, Paris, p. 259-262 ; l’évangile de Marc est le plus ancien de tous les évangiles. Il a servi de modèle à ceux de Matthieu et de Luc. Il fut écrit après le début ou peu après la fin de la Guerre juive (66-70 ap. J.-C.), car en 13, 1 sq., il combine les prédictions sur la destruction du temple et celles sur les événements de cette guerre. Quant à l’évangile de Matthieu et l’évangile de Luc on les date, après Marc, probablement entre 80-110. Enfin, l’évangile de Jean qui date du tournant du Ier et du IIè siècle.

[2] Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, 2008, Genève-Paris, Labor et Fides-Bayard, p. 59.

[3] Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, Op. Cit., p. 151.

[4] Il s’agit des écrits considérés comme authentiques (de la main de Paul ou directement dictées par lui) les épîtres aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, aux Philippiens et à Philémon. Cf. François Vouga, Les premiers pas du christianisme, 1994, Genève, Labor et Fides, p. 15.

[5] Dans les épîtres de Paul, le verbe « Diakonέw»  apparaît 5 fois, en Romains, en 1et 2 Corinthiens, en Galates, en Philippiens et en Philémon ; « Diakonίa» apparaît 18 fois et on le retrouve en Romains 11, 13 ; 12, 7 ; 15, 31 ; 1Cor 12, 5 ; 16, 15 ; 2Cor 3, 7-9; 4, 1; 5, 18; 6, 3; 8, 4; 9, 1, 12, 13; 11, 18 ; et on a 9 fois « DiάkonoV» en  Rom13, 14;15, 8; 1Cor 3, 5; 2Cor3, 6; 6, 4; 11, 15; 11, 23; Gal 2, 17; Phil 1, 1.(NTIG/F).

[6] Fabien Blanquart, Quel serviteur ?, 2000, Paris, Cerf, p. 107.

[7] On retrouve « Λειτουργία » 7fois en Rom 13, 6 ; 15, 27; 2Cor 9, 12; Phil 2, 17, 25, 30. Le terme désigne des fonctions publiques (Rom 13, 6), l’organisation de la collecte destinée aux judéo-chrétiens (2Cor 9, 12), la fonction grâce à laquelle le Christ, agissant par son apôtre, offre les hommes à Dieu en sacrifice (Phil 2, 17)1. Et  il est utilisé pour un service de caractère très personnel, un service d’amour ou de charité.

[8]  « Δοΰλος » est utilisé pour signifier la dépendance totale de tout serviteur outil de Dieu. Il est évoqué en termes d’abaissement par Paul en référence à « l’agonie du Christ ». Cf. Fabien Blanquart, Quel serviteur ?, Op. Cit., p. 117.

[9] Daniel Marguerat, L’aube du christianisme, Op. Cit., p. 167.

[10] François Vouga, Moi, Paul, 2005, Genève, Labor et Fides, p. 51-52.

[11] Gerd Theissen, La religion des premiers chrétiens, 2002, Paris, Cerf, p. 123.

[12] Felix Gaffiot, Dictionnaire illustré Latin-Français, 1934, Paris, Hachette, p. 978 : Ministère (de minus, cf. magister), qui sert, qui aide dans la pensée grecque; serviteur, domestique, ministre (d’un dieu) ; instrument, agent ; et Ministerium : fonction de serviteur, service, fonction, les différents services ou ministères ou départements établis auprès des empereurs et confiés à des affranchis. Pour Henri Goelzer dans  Nouveau dictionnaire français-latin, 4é éd., 1903, Paris, librairie Garnier Frères, p. 124, le Ministère est l’office de celui qu’on emploie pour l’exécution de quelque chose, charge, fonction, instrument.

[13] François Vouga, Op. Cit., p. 70.

[14] François Vouga, Op. Cit., p. 46.

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